Design de l'intelligence
Samuel Szoniecky, Lise Verlaet
Design de l'intelligence
13e Colloque International sur les sciences et technologies de la conception
11 et 12 Décembre 2025 | Université de Montpellier Paul-Valéry | site Saint Charles
01D.13 considère le “Design de l'Intelligence” comme le thème invité qui se joint aux thématiques des colloques 01D.
Contextes et problématiques
Les colloques 01Design visent à confronter les mondes de la conception et du design en explorant la complexité des frontières entre la conception d’objets physiques (architecture, aéronautique, design industriel, etc.) et celle d’objets numériques ou informationnels (Internet des objets, réalité augmentée, etc.). Les précédentes éditions ont mis au jour non seulement l’intrication de ses objets quant à leurs modalités de production et d’usage, mais aussi leur hybridation voire leur fusion pour les rendre toujours plus « intelligents ».
Le design est à la fois un mode de pensée et un processus de création, entre l’intelligible et le sensible, il fait appel à l’intelligence humaine. Le design repose sur des méthodologies de conception issues de la praxis artisanale, ingénieriale, artistique, industrielle (…) inspirées par des recherches scientifiques (sémiologie, informatique…) et de plus en plus en reliance avec elles via les démarches créatives ou d’innovation, les processus et techniques de production.
A travers cet appel à contribution nous souhaitons plus particulièrement interroger le design de l’intelligence à travers plusieurs acceptions interdépendantes. La première considère le design de l’intelligence au sens de l’intellection humaine ; la seconde s’intéresse au design de l’intelligence comme l’intelligence scientifique et méthodologique ; la dernière à la modélisation et aux techniques de création, soit l’intelligence du design et de la technique. Il s’agit donc d’interroger les enjeux du processus complet depuis l’idéation jusqu’à la création et leurs incidences sur les écosystèmes.
L’intelligence, en tant qu’objet de design, interroge sur la manière dont on conçoit et structure les processus cognitifs, qu’ils soient humains, physiques, artificiels ou hybrides. Partant des approches centrées utilisateurs ou plus spécifiquement de la conception centrée sur l’humain, il convient de comprendre l’intellection humaine dans des cas d’usage pour répondre non seulement à leurs besoin et attentes sans négliger les phénomènes liés à leurs écosystèmes pour créer ou simuler le réel et concevoir des modélisations et artefacts encapacitants.
Cette nouvelle édition entend interroger le design de l’intelligence, soit la notion d’intelligence dans les sciences et les technologies de la conception. Qu'est-ce que l’intelligence aujourd’hui, mais aussi hier et demain ? Comment s’articule l’intelligence humaine, les technologies de l'intelligence et les technologies intelligentes ? Quels processus de conception, de modélisation, de réalisation et d’usage sont convoqués ? Lesquels fonctionnent - ou non – dans quel(s) contexte(s) ? Comment les étudier ?...
Argumentaires, enjeux et perspectives
Pour concevoir des artefacts dits « intelligents », il convient donc de prendre en compte les différents domaines d’expression de l'intelligence. Pour illustrer notre propos et figurer le dessein de ce colloque sur le design de l’intelligence, nous pouvons nous appuyer sur les travaux de Howard Gardner sur « Les intelligences multiples » (2004), qui est une des catégorisations permises, pour mettre en lumière l’articulation des intelligences humaines, scientifiques et méthodologiques, design et techniques.
L’intelligence linguistique, c’est assurément l’acquisition du langage qui a permis à l’humain d’évoluer, que ce soit à travers l’oralité, l’écrit ou l’image. Ces approches de l’intelligence sont de longues dates étudiées par les sciences du langage et notamment la psycholinguistique, soit les études menées sur la compréhension et la production du langage humain. Ces travaux se prolongent en milieu numérique via la linguistique computationnelle à travers le TAL(N), les agents conversationnels (chatbot, assistants vocaux…) et autres applications de reconnaissance vocale (speech to text) et de synthèse. Cette forme d’intelligence trouve des échos avec les récentes évolutions technologiques de l’IA, lesquelles sont fondées sur les modèles de langage (LLM), le parsing syntaxique, l’analyse sémantique ou encore la vectorisation du texte.
L’intelligence logico-mathématique, forme d’intelligence longtemps considérée comme la plus noble et par ailleurs à la base des premiers tests de QI, s’appuie sur les études sur le raisonnement formel, la psychologie cognitive et ses manifestations dans la compréhension et la prise de décision. Les théories de la calculabilité et de la logique mathématique sont largement sollicitées pour la simulation numérique pour concevoir des systèmes de recommandations et la modélisation prédictive. L’on retrouve ces émanations dans les logiques floue ou les systèmes experts, les algorithmes du machine learning ou du deep learning, qui occupent pleinement la scène des sciences computationnelles.
L’intelligence spatiale fait écho aux travaux menés en neurosciences cognitives sur la représentation mentale des espaces, en psychologie de la perception visuelle et de reconnaissances des formes ou encore en ergonomie avec – entre autres – la conception d’interface adaptée aux capacités perceptuelles des utilisateurs. Du point de vue des pratiques numériques, l’on retrouve cette forme d’intelligence dans la modélisation 3D ou dans des applications telles que la réalité augmentée ou virtuelle, la navigation autonome de véhicules ou de robots. Ceci fait appel à des techniques de vision par ordinateur et reconnaissance d’image ou à la cartographie et localisation simultanée.
L’intelligence musicale renvoie aux études sur la perception du son et la cognition musicale et leurs effets sur le cerveau et les émotions. La musicologie et toutes ses réticularités – dont la musicothérapie – constituent le champ scientifique privilégié. Le numérique se fait l’orchestre de la génération automatique de musique, de synthèse et de classification musicale via des apprentissages profonds pour la reconnaissance musicale, l’analyse spectrale et le traitement du signal audio ou plus récemment des modèles génératifs.
L’intelligence corporelle-kinesthésique est le terrain de jeu des neurosciences du mouvement et de la proprioception, des études sur l’apprentissage moteur humain mais aussi la robotique biomimétique. Les systèmes de reconnaissance gestuelle, le contrôle moteur adaptatif ou encore la robotique humanoïde sont les travaux qui ont permis de concevoir des prothèses intelligentes, des exosquelettes ou encore des interfaces cerveau-machine.
L’intelligence interpersonnelle est particulièrement étudiée par la psychologie sociale, les sociologues et les sciences de l’information et de la communication. Ces approches compréhensives des phénomènes de socialisation et l’analyse des émotions et des interactions humaines trouvent des acceptions au sein des agents conversationnels et les IA sociales. Elles sont utilisées pour le traitement du langage naturel pour la compréhension contextuelle, mais aussi pour concevoir des modèles comportementaux en IA.
L’intelligence intrapersonnelle renvoie à la psychologie et aux études sur la métacognition et la conscience de soi, à la modélisation des états mentaux et de la réflexion introspective. Prenant appui sur l’analyse des signaux psychologique et biométrique, ces travaux permettent de concevoir des IA pour le soutien psychologique (prévention du stress..), le coaching ou l’autoréflexion.
L’intelligence naturaliste constitue la forme d’intelligence privilégiée des sciences de l’environnement et de l’écologie cognitive. L’on applique dès lors des apprentissages automatiques appliqués à la biodiversité basés sur la reconnaissance des espèces, la modélisation prédictive des écosystèmes ou encore des modèles climatiques et simulations écologiques via des capteurs intelligents.
L’intelligence existentielle est propre au domaine de la philosophie et se prolonge au sein d’études sur la conscience artificielle où sont explorés des travaux sur l’IA et la quête de sens philosophique, éthiques théologique. Apparaissent des expériences immersives et de la réalité augmentée pour la réflexion existentielle.
Howard Gardner (2007) ajoute à ces formes d’intelligence les « 5 esprits du futur »: l’esprit disciplinaire que l’on retrouve dans les formes d’intelligence et l’hyperspécialisation ; l’esprit synthétique qui exige une pensée à la fois transversale et complexe ; l’esprit créatif ou la capacité de penser en dehors des cadres établis ; l’esprit respectueux, soit la tolérance et l’altérité culturelle et sociale ; l’esprit éthique pour la capacité à penser en termes de responsabilité éthiques, déontologique et valeurs morales.
Ainsi explorer le design de l’intelligence, c’est interroger la manière dont nous concevons, mobilisons et projetons l’intelligence sous ses différentes expressions et formes, qu’elles soient humaines, artificielles, hybrides ou distribuées. Ce colloque invite à une réflexion interdisciplinaire sur les processus qui façonnent notre rapport à l’intelligence et à ses manifestations dans les artefacts, les systèmes et les méthodes de conception. Dans un monde en mutation où les frontières entre intelligence humaine et intelligence artificielle se redéfinissent sans cesse, quelles perspectives éthiques, épistémologiques et techniques pouvons-nous envisager ? Comment concevoir un avenir où l’intelligence, dans sa pluralité, s’articule au service d’une innovation responsable et inclusive ? Ce colloque se veut un espace d’échange et de confrontation d’idées pour penser les contours du design de l’intelligence, en interrogeant ses fondements, ses dynamiques et ses implications pour la recherche et la société.
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Calendrier du numéro
- Soumission des résumés : 25/04/2025
- Retour aux auteurs : 23/05/2025
- Envoi des articles complets : 25/07/2025
- Retour des évaluateurs : 19/09/2025
- Envoi des articles finaux : 15/02/2026
- Publication envisagée : 18/02/2026